« Alors, tu tires ou tu pointes ? » Cette célèbre réplique née sous la plume de Marcel Pagnol et prononcée avec un fort accent chantant du Midi colle encore à l’image de la pétanque. Car ce jeu de boules inventé à La Ciotat est intimement lié à la ville de Marseille et dans l’imaginaire collectif, il demeure associé à un loisir de sémillants retraités qui se pratique à l’ombre des platanes.
« La France est le seul endroit où la pétanque conserve une image passéiste », assure Claude Azéma, président de la Fédération internationale de pétanque et jeu provençal (FIPJP), également président de la Confédération mondiale des sports de boules.
Car la pétanque possède une dimension internationale qui est loin de se résumer à son berceau provençal. La FIPJP revendique en effet plus de 112 fédérations nationales affiliées et autour de cinq millions de membres actifs dans le monde (300 000 licenciés en France).
Traditionnellement, la géographie de la discipline s’explique en partie par les relations entre la France et ses anciennes colonies. Ainsi, l’Afrique du nord est souvent bien représentée lors des compétitions internationales. Idem pour l’Afrique de l’Ouest, comme la Côte d’Ivoire ou le Sénégal, qui a organisé les championnats du monde à Dakar en 2008.
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Mais le pays africain le plus en pointe pour taquiner le cochonnet demeure sans conteste Madagascar. La Grande Île, qui a accédé à l’indépendance en 1960 après plus de soixante ans d’administration française, s’est entichée de la pétanque. « C’est le sport national, souligne Claude Azéma. Ici, on joue parfois avec des boules de fortune. »
Dans les rues d’Antananarivo, la capitale, ou ailleurs dans le pays, ils sont nombreux à s’adonner à ce sport qui peut se pratiquer presque n’importe où. Et en décembre dernier, les Malgaches ont triomphé à domicile en dominant le Bénin (en triplette) lors des premiers Mondiaux – tous sports confondus – jamais organisés sur l’île.
Lors de cette même compétition, c’est en revanche un Cambodgien qui a été sacré en tir de précision – devant le Français Bruno Le Boursicaud –, nouvelle preuve de l’essor du jeu de boules sur le continent asiatique. Si le Cambodge, le Vietnam ou le Laos, trois pays qui ont longtemps constitué une grande partie de l’Indochine française, tirent leur épingle du jeu, la tête de pont de la pétanque en Asie reste… le royaume de Thaïlande. La spécialité provençale s’y est développée grâce à la reine mère, qui l’a découverte lors d’un séjour en Europe. Séduite, elle l’a importée dans son pays et lui a conféré une grande honorabilité.
Le jeu est particulièrement bien implanté au sein de l’armée thaïlandaise et à l’école. « C’est le troisième sport après le football et le muai-thaï ou boxe thaïlandaise », indique le président de la FIPJP. Le pays revendique près de deux millions de joueurs réguliers. La Thaïlande brille régulièrement au niveau international et particulièrement chez les femmes.
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Si le continent asiatique s’est ouvert à la pétanque, l’Amérique du Sud, elle, n’est en revanche pas encore entrée dans la partie. Toutefois, la pétanque et les jeux de boules associés – boule lyonnaise et raffa volo (ou la rafle) – s’appuient sur une présence significative dans le monde pour se porter candidats à l’entrée au programme olympique dès 2024.
Revendiquant à eux trois 200 millions de pratiquants dans 165 pays répartis sur les cinq continents, ils se sont réunis au sein de la confédération mondiale des sports de boules (CMSB), qui porte la candidature auprès du Comité international olympique (CIO). Déjà présente dans de nombreuses compétitions internationales comme les Jeux mondiaux, les Jeux d’Asie Indoor ou encore les Jeux africains, la CMSB mène un « travail de fourmi », selon son président, pour montrer aux membres du CIO que les sports de boules existent bel et bien.
Ainsi, pour séduire, la pétanque s’est ouverte à de nouveaux formats de compétition. C’est le cas lors des Mondiaux de Gand qui se tiennent jusqu’à dimanche 16 avril, avec notamment un double mixte. Mais une entrée pure et simple au programme olympique paraît peu probable : cela nécessiterait la sortie de l’un des 28 sports actuellement au programme.
En revanche, les sports de boules pourraient très bien s’inscrire dans les sports dits additionnels, choisis par la ville hôte des JO 2024 pour une édition. Claude Azéma l’assure : « Notre meilleure chance, c’est la candidature de Paris. »
Au XIXe siècle, les Méridionaux se passionnent pour un jeu de boules appelé « le jeu provençal ». Sa spécificité : le tireur doit prendre trois pas d’élan avant de propulser sa boule. L’histoire raconte que c’est lors d’une partie à La Ciotat (Bouches-du-Rhône), en 1907, qu’un certain Jules Hugues, qui ne pouvait plus respecter ces règles à cause de ses rhumatismes, a lancé sa boule à l’arrêt depuis un cercle tracé au sol.
Cette façon de faire a donné son nom à la nouvelle discipline, « pétanque » venant du provençal, « pè » (pied) et « tanca » (pieu). Autrement dit jouer « pés tanqués », les pieds ancrés au sol, en opposition au jeu provençal et à la prise d’élan des tireurs. Le terme et les règles de la discipline ont été véritablement officialisés lors du premier concours officiel à La Ciotat en 1910.