Un voyage - pèlerinage aux sources ! C'est ce qui attend Lefteris Goudas dans ce qu'il est convenu d'appeler désormais, la Mecque de la pétanque qu'est devenu le Mondial La Marseillaise.
Son plus fidèle allié est un franco-grec installé à Athènes qui a créé voilà deux saisons un club baptisé Palaio Faliro Pétanque Club. En faisant cela, Emmanuel Coupe, un photographe qui a bourlingué aux quatre coins de la planète, permettait à son vieil ami de se trouver de nouveaux complices et de ne plus traîner sa solitude de bouliste, « Dans ce pays en état de choc après les énormes coupes budgétaires imposées par l'Europe ».
Athènes, c'était tout juste quelques passionnés égarés comme Lefteris qui se retrouvaient çà et là, mais rien d'organisé : « La pétanque n'est pas structurée comme en France » explique Emmanuel Coupe, ancien parisien de mère grecque à la tête de la plus importante école de musique en Grèce.
De Paris au sud, l'été dans les clubs de vacances et sur les places de villages durant son enfance, de Los Angeles à la Suisse où réside son épouse, la pétanque connexion et ses tournois, ont permis à ce père de deux enfants de mesurer le chemin pour faire grandir cette discipline méconnue en Grèce. Leftéris Goudas et ses camarades seront d'ailleurs les premiers Grecs à fouler le sol de Marseille. Plus de 2600 après avoir participé à la fondation de la ville, cela méritait d'être noté.
« Au début, il n'y avait rien. Juste quelques joueurs et des parties amicales entrecoupées par la visite estivale d'un champion comme Marco Foyot qui a rencontré Lefteris en 1995. Alors, je suis allé voir le maire pour qu'il nous attribue un petit bout de parc et puis les gens sont venus peu à peu. Maintenant, c'est trop petit et nous allons avoir plus grand, mais il faut être patient...»
Car évidemment, la pétanque y est vue là-bas comme un agréable divertissement et non un sport à part entière qui postule pourtant aux JO. De plus, les jeunes sont plus tournés vers le football et le basket au travers le Panathinaïkos ou l'AEK, clubs phares de la ville alors que filles et femmes en sont exclues. Le machisme perdure au pays de Platon. Même si les lignes bougent.
L'étoile du grand frère marseillais fait briller les yeux de ces cousins germains depuis les temps de Phocée qui comptent bien faire entendre leurs voix dans les allées du parc Borély. « Mais on vient d'abord pour rendre hommage à Lefteris. C'est une mémoire vivante. Il a tant de choses à raconter. Et l'occasion ne se représentera pas de si tôt, surtout que le voyage et le séjour sont chers » insiste Emmanuel Coupe qui aimerait, avec ses deux triplettes en lice, passer un tour ou deux.
« Marseille, pour nous, c'est un marqueur identitaire, un moyen de s'étalonner et de s'ouvrir au monde, nous qui sommes trop repliés sur nous-mêmes » estime-t-il. « Il faut demander conseil et se perfectionner comme nous le faisons auprès des fédérations française et internationale. Toutes les aides extérieures sont les bienvenues ».
Pour tout dire, il n'y aura pas de perdant pour cette première délégation grecque. Les deux triplettes comptent bien, après ce voyage initiatique, continuer leur travail de fond avec d'autres clubs grecs apparus dans le sillage du pionnier athénien. « Là-bas, il faut s'inscrire au tribunal, dépasser la dizaine de clubs pour espérer des moyens supplémentaires. C'est pas gagné, car il nous faut pérenniser cette activité sportive ».
Formation, éducation, arbitrage, un stage aura d'ailleurs lieu après le Mondial. « Ce n'est pas tous les jours qu'on participe à la naissance d'un nouveau sport pour son pays avec un formidable doyen pour symbole ! Et cela nous donne une énergie incroyable ».
Stéphane REVEL