A 61 ans, Hector Milesi affiche une forme admirable. Rieur et volontiers blagueur, capable d’une autodérision surprenante, il est pourtant en fauteuil depuis l’âge de 22 ans. Hector a fait le choix de ne jamais baisser les bras, de se battre pour une passion qu’il a chevillée au corps, la pétanque. Son histoire est une leçon de vie.
Pouvez-vous nous dire quelques mots sur votre vie avant l’accident ?
J’ai été victime d’un accident de voiture en 1974, qui m’a laissé paraplégique. Avant ça j’étais déjà passionné de pétanque, j’ai grandi dans un Département où ce sport est très pratiqué : le Gard. J’ai d’ailleurs été vice-champion du Gard Juniors en 1969.
Votre accident et votre handicap ne vous ont jamais empêché de jouer à la pétanque. Vous expliquez même que la pétanque vous a aidé à un moment difficile de votre vie. Expliquez nous ?
Incontestablement, la pétanque m’a beaucoup aidée moralement après l’accident. Je suis d’abord resté 2 mois alité sans pouvoir bouger, j’ai ensuite dû suivre deux années de rééducation. Mais 8 mois après mon accident, je commençais déjà à reprendre les boules, tant bien que mal au début il faut bien le dire.
A cette époque, je me couchais en larmes tellement mon handicap était lourd à porter et contrariait ma volonté de pratiquer la pétanque. Rien n’était adapté ! Et puis mon obstination a payé. Je voulais tellement jouer que je me faisais tirer de chez moi par un vélo pour aller jusqu’au boulodrome du Grau du Roi, et pouvoir jouer avec des gens valides (dit-il désormais avec un sourire).
En vous racontant cette époque, je me dois de remercier « Vito » qui est la première personne qui a accepté de jouer avec moi dans des concours après que je me sois retrouvé en fauteuil. Jamais je n’oublierai ce geste. Dans les années 1970, le handicap était très peu accepté et le regard des autres était bien souvent très dur.
Je vivais dans une maison en hauteur, avec des escaliers, donc je ne pouvais pas aller jouer souvent car j’étais dépendant. Et puis j’avais aussi le souci de trouver des partenaires. Moi j’avais toujours été joueur et je ne voyais pas pourquoi je n’aurais pas pu continuer à faire le tireur. Or personne n’acceptait de pointer devant une personne en fauteuil. Il a fallu un fort entêtement durant cette période pour vivre ma passion.
Parlez nous des associations qui existent à présent pour les personnes handicapées ?
Il existe la Fédération Française de Sport Adapté, mais elle concerne les personnes atteintes de handicap mental ou troubles psychiques. Je n’en suis pas licencié, j’en suis en quelque sorte un ambassadeur. J’ai une seule licence celle de la F.F.P.J.P. car dans mon cas il n’y a pas d’entité autre.
Il existe aussi la Fédération Française Handisport pour le handicap moteur, visuel ou auditif.
Mais bien entendu, à chaque fois que la F.F.S.A me sollicite pour des actions, je réponds bien volontiers à leurs appels.
Je suis handicapé parce qu’on m’a mis dans un fauteuil, mais dans ma tête je ne me sens absolument pas handicapé. D’ailleurs, la pétanque peut être pratiquée par une personne en fauteuil sans aménagements particuliers.
A ce sujet, quelles seraient les mesures que vous souhaiteriez voir prises par la F.F.P.J.P. pour vous faciliter la pratique de la pétanque ?
Pour moi, ce serait le paradis si tous les carrés d’honneur avaient un accès pour les personnes en fauteuil. Bien souvent je suis obligé de me faire porter comme un vulgaire sac à patates ce qui n’est pas plaisant.
Et puis ça paraît incroyable mais les compétitions équipées de toilettes handicapées sont trop rares. Ca aussi ça me rendrait la vie plus facile.
Mais comme il est aisé de critiquer, je tiens à signaler que j’ai été écouté par la F.F.P.J.P. concernant la règlementation à propos de la position du fauteuil dans le cercle. La modification permet désormais aux joueurs en fauteuil de ne plus être désavantagés sur ce point.
Vous vivez votre passion intensément, vous avez acquis un palmarès qui s’enrichit chaque année avec des victoires dans de grandes compétitions. En retirez-vous une satisfaction particulière ?
Pas plus qu’un joueur valide qui aurait gagné les mêmes compétitions. Je ne considère pas pour ma part que je réalise un exploit en gagnant le Mondial de Millau parce que je joue en fauteuil dans tous les concours que je fais par la force des choses. Pour moi une victoire d’un petit ou d’un grand concours elle ne peut être qu’en fauteuil.
Vous savez j’aborde la pétanque de façon très sportive. Actuellement, nous sortons de la période hivernale où j’ai moins joué, je me remuscle donc le haut du corps pour être prêt à l’approche des championnats.
Ce côté « haut-niveau » de ma carrière sans prétention aucune a débuté en 2000 grâce à quelqu’un pour qui j’ai une immense estime et une grande admiration : Henri Lacroix. Nous avions joué à Montpellier le concours de la Comédie et nous avions atteint les demi-finales après un superbe parcours. Ce concours a été le déclencheur. Ensuite, ce résultat et la gentillesse d’Henri m’ont permis de jouer avec des champions tels que Philippe Quintais, Bruno Le Boursicaud, Simon Cortès…
Pour la petite histoire, j’avais gagné mon premier national en 1980 à Sauve (30). J’étais venu comme presque toujours à cette époque-là avec mes boules mais sans partenaire, personne ne voulant jouer avec moi. Et puis j’ai remplacé quelqu’un au pied levé et nous avons gagné.
Vous reste-t-il un rêve à réaliser malgré une carrière déjà bien remplie ?
Oui je dois avouer que même si j’ai réussi à gagner le Mondial de Millau en triplette, mon rêve serait de remporter le Mondial La Marseillaise avec mon ami Henri Lacroix. Je le « tanne » depuis des années pour faire ce concours avec lui, et j’ai lu dans son regard récemment qu’un jour peut-être mon rêve deviendra réalité.
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