La ministre des droits des femmes et porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem, a présenté le mercredi 3 juillet en conseil des ministres son projet de loi-cadre sur l'égalité hommes-femmes. Avec un important volet consacré au sport.
Pouvez-vous détailler en quoi votre projet de loi-cadre concerne le sport français ?
Najat Vallaud-Belkacem : Il s’agit de donner corps à un principe simple : l’égalité est la valeur cardinale du sport, celle sans laquelle aucune compétition n’est possible. Lorsque le gouvernement est paritaire, il donne l’exemple et une impulsion. C’est la même chose que nous voulons initier avec les fédérations sportives.
En ce qui concerne les fédérations où les femmes représentent plus du quart des licenciés, ces fédérations devront atteindre la parité hommes-femmes dans leurs instances dirigeantes à l'horizon 2020. Et pour les fédérations où la proportion des femmes est inférieure à 25 % des licenciés, toujours à l'horizon 2020, elles devront accueillir au minimum 25 % de femmes dans leurs instances dirigeantes. Une concertation s‘engage avec les acteurs du monde du sport pour définir les modalités de ce changement, mais nous sommes clairs sur les objectifs : l'égalité ne doit plus être une option.
Le fait pour une fédération de ne pas remplir ses obligations légales pourra avoir des conséquences sur l'agrément que lui donne le ministère des sports, allant même jusqu'à la remise en question de cet agrément, qui permet notamment aux fédérations d'obtenir des financements. Les subventions aux fédérations votées en 2012 ont été de 85,5 millions d'euros, soit 37 % du budget du ministère des sports.
La suppression de l'agrément serait une sanction très lourde pour les fédérations contrevenantes, puisqu'elle leur retirerait le droit d'organiser des compétitions nationales et d'engager des équipes de France...
Elle serait lourde, oui, mais l'idée est d'inciter à un changement de comportement, et si cette loi atteint son objectif, nous n'aurons bien sûr pas besoin d'en arriver là. Le retrait d'agrément est la décision ultime quand des statuts ne respectent pas la loi, mais je n'imagine pas que nous allions jusque là. C'est un peu comme la menace nucléaire, l'idée c'est de ne pas en avoir besoin.
J'ai vu plusieurs présidents de fédérations et le président du Comité national olympique. Nous avons muri et fait progresser notre projet avec le monde du sport, notamment avec ce seuil du quart de licenciés. Je crois qu'il y a une réelle envie d'avancer. C'est en étant fermes sur nos objectifs et ouverts sur les modalités, dans le cadre d'une concertation avec le mouvement sportif que nous lancerons en septembre, que nous pourrons avancer.
Une éventuelle suppression de l'agrément n'interviendrait donc qu'en ultime recours. A propos de la place des femmes dans les instances dirigeantes, quelle est la situation actuelle ?
Les instances dirigeantes des fédérations sportives sont loin d’être paritaires. Jusqu'à présent, elles n'ont pour l'instant qu'une obligation : respecter le principe de proportionnalité dans leurs comités directeurs en fonction du nombre de femmes licenciées et éligibles, c'est-à-dire majeures. Mais, quand on regarde, on se rend compte qu’au niveau des comités directeurs, à peine une fédération sur deux est en conformité avec la loi et respecte ce principe de proportionnalité.
Jusqu'à présent, il n'y a pas eu de sanctions mises en application pour celles qui ne le respectent pas, mais il était de coutume au ministère des sports que les fédérations "vertueuses" soient légèrement récompensées au moment de la discussion des subventions.
A terme, ces futurs objectifs de parité au sein des instances dirigeantes sont-ils censés entraîner une hausse des licenciées (les femmes représentent à peine un tiers des licences sportives) ?
Bien sûr, l'objectif ne consiste pas uniquement à modifier le sommet et la composition des instances fédérales. L'idée, c'est que, de cette mesure, découle une dynamique qui incite les fédérations à susciter des vocations féminines – ou masculines, car attention, il y a des fédérations qui sont déséquilibrées dans l'autre sens [celles d'équitation, des sports de glace ou de gymnastique, surtout] – au niveau des clubs, des comités régionaux ou départementaux. Cette mesure doit clairement faire en sorte qu'il y ait un impact très favorable en termes de rééquilibrage des sexes parmi les personnes licenciées.
Pourtant, la corrélation entre le nombre de femmes dans les instances dirigeantes et le nombre de licenciées n'est pas forcément acquise...
Prenez le champ politique. Lorsque l'on instaure la parité en politique pour les élections législatives, que se passe-t-il dans la foulée ? Les partis sont incités à se réorganiser à leur base pour attirer davantage de femmes parmi les militants et pour avoir une organisation de la vie du parti qui permette davantage aux femmes de s'impliquer. Et ensuite, à une strate supérieure, au moment de la constitution des listes pour les élections locales, il y a un effort plus particulier qui est fait pour un équilibre hommes-femmes. On constate aussi ce phénomène dans les grandes entreprises ou dans la fonction publique, même si c'est un long chemin.
Pourquoi vouloir instaurer deux seuils différents dans les instances dirigeantes des fédérations sportives en 2020, l'un à 25 %, l'autre à 50 % ?
Pour les fédérations sportives qui seront à 25 % de femmes dans leurs instances dirigeantes en 2020, l'idée est de créer une dynamique qui leur permette ensuite de parvenir à 50 % à l'olympiade suivante. Il y a des fédérations où il n'y a que 2 % ou 3 % de femmes licenciées [celles de football et de rugby, à un moindre degré, se trouvent dans ce cas]. De ce point de vue, imposer un minimum de 50 % à ces fédérations, vous voyez bien que ce n'est pas la même chose que de l'imposer à des fédérations où il y a plus de femmes licenciées.
Au dernier relevé, seules douze fédérations ont déjà des comités directeurs qui s'approchent de la parité hommes-femmes dans leur composition. Et parmi les sports concernés, il y a par exemple la natation, l'équitation ou encore la gymnastique.
Votre projet de loi-cadre envisage-t-il des obligations de parité pour d'autres domaines que le sport ?
Notre projet de loi entend renforcer considérablement les sanctions pour les partis politiques qui ne respectent pas la parité lors des élections législatives. Nous voulons doubler les pénalités. Et ensuite, oui, nous souhaitons étendre le champ de la parité à des domaines qui jusqu'à présent n'étaient pas concernés. Typiquement, les fédérations sportives, mais aussi les chambres de commerce et d'industrie, les chambres d'agriculture, les établissements publics industriels et commerciaux, les autorités administratives indépendantes.
Par ailleurs, en complément de ce projet de loi, la ministre des sports, Valérie Fourneyron, et moi-même avons demandé aux fédérations de nous présenter d'ici à la fin de 2013 des plans de féminisation. Ces plans s'inscriront dans le cadre des négociations sur les conventions d’objectifs et de moyens que chaque fédération signe avec le ministère des sports. Les fédérations sont encore en phase d’échanges avec le gouvernement sur le contenu et les priorités à établir.