En l’état, les médecins du sport refusent la suppression du certificat médical (photo Stéphanie Péron)
Supprimer le certificat médical annuel de non-contre-indication à la pratique sportive pour faciliter la pratique du sport : c’est l’objectif affiché par la ministre des Sports, Valérie Fourneyron. Mais la transformation de cet acte médical, qui concerne 15,5 millions de Français, ne fait pas l’unanimité chez les médecins.
Il ne s’agit pas de supprimer complètement le certificat mais de s’inspirer des modèles anglo-saxons. La durée de validité pour un enfant sera ainsi étendue à deux ans. Pour un adulte de moins de 40 ans qui ne présente pas de problèmes de santé, le certificat médical sera désormais valable cinq ans. La visite médicale sera toutefois plus complète et plus poussée qu’actuellement. Elle durera désormais trente minutes et comportera un électrocardiogramme qui permet de mettre en évidence diverses anomalies cardiaques chez le patient.
De l’argent et des abus…
Président du Syndicat national des médecins du sport, Bruno Burel a participé aux réunions de travail au ministère des Sports avec le Comité olympique, des syndicats de médecins. « J’ai participé aux nombreuses concertations et ce que soulève Valérie Fourneyron n’est pas un faux problème. On voit tellement de demandes de certificat à tomber par terre ! Trop souvent abusifs, ils sont demandés pour des pratiques sportives qui n’en ont pas besoin !, affirme le praticien rouennais. Au départ, ces concertations ont démarré pour simplifier la vie des médecins qui croulent sous la paperasse, c’est après que l’on s’est posé la question du certificat médical… »
Pour l’heure, la position du Syndicat national des médecins du sport est claire : « Nous refusons la suppression de ce certificat comme cela a pu être proposé dans un premier temps car nous sommes pour son développement, notamment dans son contenu. Avec un chiffre important de morts subites du sport par an, c’est un véritable problème de santé publique, explique le médecin rouennais. Le remplacer par un questionnaire comme en Angleterre n’aurait pas été cohérent, alors nous avons fait des contre-propositions et nous attendons la réponse de la ministre. »
« Un électrocardiogramme tous les cinq ans est déjà une bonne chose, souligne Bruno Burel, mais cela dépend de l’âge du sportif et de ses antécédents familiaux. En Italie, cet examen est obligatoire tous les trois ans. » Un examen qui a un coût, le nerf de la guerre en temps de crise. Selon la ministre, la réforme du certificat médical permettrait de diminuer les dépenses de la Sécurité sociale. Problème, l’acte n’est aujourd’hui pas remboursé par celle-ci.
Cette future réforme pose donc des questions financières. À cause de son non-remboursement, il arrive cependant fréquemment qu’un médecin généraliste choisisse de le faire passer pour une visite classique. Son patient peut ainsi être remboursé. « Moi je ne le fais pas, soutient Bruno Burel, mais c’est vrai que cela peut arriver… » Une consultation plus détaillée sera aussi plus chère expliquent les professionnels de santé. Qui prendra en charge ? « Il faudra prévoir des financements, souligne le médecin. Les fédérations sportives ont des assurances, les mutuelles sont concernées… Les financeurs de l’Assurance maladie ont tout intérêt à envoyer les gens faire du sport, on sait tous que la prévention coûte moins cher que les soins ! »
D’autres, comme le docteur Luc Duquesnel, le président du syndicat de médecins généralistes Unof-CSMF, s’inquiète : « Avec un électrocardiogramme, la consultation va coûter pas moins de 50 euros. Qui va payer ? Cette mesure va être un vrai frein à la pratique du sport ! »
Dans l’ensemble, les médecins restent attachés à la relation avec le patient, aux consultations régulières qui évitent un grand nombre de problèmes, simplement parce que le médecin connaît son patient. Faudra-t-il un électrocardiogramme pour la pratique de l’aquagym ou de la pétanque ? « Comme il faut tout repenser on peut concevoir des dépistages directement dans les clubs, souffle le docteur Burel. Il faut en discuter et voir les fréquences, les types de sportifs, les sports utiles ou pas ou encore le niveau de pratique… » La réforme est quant à elle bien prévue pour la rentrée 2014, dans une dizaine de mois.
Valérie Fourneyron
Ministre de la Jeunesse et des Sports
« Le passage annuel ne satisfait ni le sportif ni le médecin ni la Sécurité sociale. Notre objectif est à la fois d’avoir une simplification du dispositif et une responsabilisation des sportifs. Quand vous interrogez les fédérations, elles vous répondent tous que le certificat annuel est un handicap à la pratique. »
La mort subite du sportif
En France, on recense en moyenne 40 000 morts subites par an chez l’adulte, dont les deux tiers chez des hommes. La moitié des victimes ont moins de 65 ans. Chez le sportif, l’âge moyen est autour de 45 ans, souvent sans aucun antécédent cardiaque connu. Selon le docteur Burel, ces décès sont de 1 200 à 1 500 par an. Seuls des bilans plus poussés et l’analyse des antécédents familiaux peuvent aider à réduire ce nombre.
Dans un centre médico-sportif
Créé en 1983 par la ville de Notre-Dame-de-Gravenchon, le centre médico-sportif avait au départ une fréquentation réservée aux habitants de la commune. Elle s’est élargie aujourd’hui à la communauté de communes.
Ce centre médico-sportif est un exemple de ce qui pourrait se généraliser dans le futur pour mieux surveiller la santé des sportifs et éviter des accidents graves, voire mortels. En 2008, l’intercommunalisation du centre médico-sportif au sein de la Communauté de communes Caux Vallée de Seine (CVS) avait deux objectifs : « Ouvrir la fréquentation aux 70 000 habitants des 47 communes du territoire et répondre à la politique de la CVS de favoriser la pratique du sport », explique-t-on à la CVS. Les frais de fonctionnement, avec le personnel sont de 40 000 € annuels et le centre réalise 1 400 visites par an.
Des mois plus chargés
Stéphanie Feuillye est coordinatrice au centre médico-sportif. « A l’année, nous tenons une quarantaine de permanences, soit 250 heures avec un médecin du sport ou des renforts de l’Institut des sports de Rouen. Actuellement, nous avons une permanence jusqu’en janvier. Mai, juin et septembre c’est la grosse affluence… », explique-t-elle.
L’intérêt du centre médico-sportif est le suivi des sportifs. « Lorsqu’ils viennent la première fois nous créons un dossier, après ils sont enregistrés », poursuit Stéphanie Feuillye. L’examen médical est complet, bien plus que dans certains cabinets de généralistes : il comprend un électrocardiogramme, un test de spiromètre pour le souffle, une pesée, une mesure, une analyse d’urine… Le patient est ensuite reçu par un médecin du sport.
« Nous avons essentiellement des particuliers, parfois des clubs sportifs mais le problème est qu’ils veulent tous faire les visites en mai, juin ou septembre. Comme elles sont obligatoires et annuelles cela leur évite de la refaire en cours d’année sportive. C’est une période où nous sommes très occupés avec une forte demande. Ce n’est pas toujours facile à gérer mais nous soulageons les cabinets médicaux avec des visites plus complètes et surtout gratuites car elles ne sont pas remboursées par la Sécurité sociale. »