Toute ressemblance avec des faits ou des personnes ayant existé, ne serait le fait que du plus pur des hasards.
C’était il y a longtemps et cela se passait, dans la partie Nord du pays, c'est-à-dire, pour quelqu’un du Midi, au-dessus de Brive La Gaillarde.
Ce concours officiel départemental était bien doté et, bien sûr, il y avait encore, à l’époque, près de quatre-vingts triplettes.
A la troisième partie, celle qui vous renvoie à la maison une fois perdue, une très bonne équipe, dont le tireur était aussi connu pour les problèmes, les embrouilles qu’il provoquait assez régulièrement, et pour sa crainte, fréquente, de se retrouver en état de déshydratation, rencontre trois inconnus, du genre tranquilles, mais solides à ce jeu.
Belle partie au niveau des prestations de chacun, mais les trois inconnus, mène après mène creusent la différence, et après une heure de jeu, le résultat ne fait plus l’ombre d’un doute. Le « tireur-embrouilleur », avait déjà depuis quelques mènes commencé à faire du cinéma, et comme la partie lui échappait, il était en train de bouillir, d’autant que ses adversaires de disaient rien. Prenant, sans doute ces silences pour de la faiblesse ou de la crainte, il passa à la vitesse supérieure et qualifia ses adversaires de joueurs de baloches, « pédés », et autres noms d’oiseaux. Au bout de quelques minutes, le milieu quitta le jeu et ne put, quand son tour arriva jouer sa boule. Question du tireur d‘en face :
« où il est passé ce "pédé", il s’est tiré ? »
Réponse : « non, il est allé chercher l’arbitre, parce que votre comportement et vos propos sont intolérables sur un terrain de boules ».
Là, on était dans un autre registre langagier et relationnel peu fréquents dans le milieu de la pétanque.
Le feu commença, insultes en tous genres, intimidations, menaces …Le joueur venait de péter un plomb, car il était habitué à ne jamais avoir de répondant en face. Quant à ses partenaires, ils jetèrent eux aussi quelques paroles déplaisantes, mais surtout, laissaient faire, puisque ce faisant, cette embrouille était destinée à déstabiliser l’équipe d’en face, et ils allaient récolter sans trop se mouiller les fruits de l’embrouille, c'est-à-dire gagner la partie.
Il y avait un rassemblement de personnes autour du jeu, spectateurs passifs. L’arbitre arriva, avec le milieu qui était allé le chercher. Nouvelles insultes ; l’arbitre lui demanda de cesser, mais en vain : « c’est pas toi qui va me donner des ordres » ! Ses deux acolytes s’adressant au milieu qui arrivait lui firent des remarques quant à sa virilité.
Monsieur l’arbitre, car c’était un « Monsieur », et pas seulement un mesureur de points, disqualifia les embrouilleurs, sans pour autant que la chaleur et les boissons fraîches de la ne les calment par la suite.
Quelques semaines plus tard, nous apprenions que X avait été suspendu: un an ferme plus un an avec sursis, et que ses deux copains avaient écopé de six mois avec sursis.
A cette époque personne ne demandait à un avocat d’intervenir ; les sanctionnés ruminaient sans doute, mais fermaient leur « gu… ».
Un peu plus tard je rencontrai un joueur du même club qui me dit avec beaucoup de plaisir, ce nous savions déjà de la sanction, mais il ajouta quelque chose de très, très, intéressant : «ce qui fait mal, c’est le sursis . Il n’y aura pas de problème quand il ne jouera pas, mais l’année d’après, comme il se croit tout permis, et qu’il démarre au quart de tour, il va toujours avoir la crainte qu’à la moindre embrouille son sursis soit transformé en suspension ferme, et ça devrait le calmer, pour quelque temps au moins. Quant au sursis des autres, il a permis à quelques-uns de comprendre que lorsqu’on joue avec un faiseur d’histoires, on peut gagner, mais on risque aussi de grosses éclaboussures. Il y en a quelques uns qui ne joueront plus avec ce type de joueur ».
(Mais il y en a aussi beaucoup d’autres, qui, pour gagner, sont moins regardants. Ils seront solidaires dans la victoire, mais n’y seront pour rien s’il y a conseil de discipline).
Bernard BONNES
(Notre Marcel Pagnol de l'Association EDUCNAUTE-INFOS)