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Conseillers techniques sportifs : le rapport qui complique le projet du gouvernement

Selon l’inspection générale de la jeunesse et des sports, le transfert de la gestion des CTS aux fédérations compliquerait grandement la préparation sportive des JO 2024 à Paris.

Roxana Maracineanu a affirmé en janvier que la question du statut des conseillers techniques sportifs n’était pas tranchée. LUDOVIC MARIN / AFP

Arrêtez tout. C’est, en substance, le message de l’inspection générale de la jeunesse et des sports (IGJS) à son ministère en ce qui concerne le statut des conseillers techniques sportifs. Arrêtez tout ou, plutôt, cessez de vouloir bousculer cette « cheville ouvrière du sport français », sous peine de courir à la catastrophe lors des Jeux olympiques et paralympiques 2024 à Paris.

Le rapport de l’IGJS que s’est procuré Le Monde, remis en novembre 2018 à la ministre Roxana Maracineanu et qui n’a pas été rendu public, est un caillou dans la chaussure du gouvernement : ce dernier souhaite en effet transférer aux fédérations la gestion de ces agents du sport français afin de remplir ses objectifs de réductions de postes dans la fonction publique.

Lire aussi Roxana Maracineanu : les conseillers techniques sportifs ne seront « plus forcément fonctionnaires »

La « mission d’évaluation relative aux conseillers techniques sportifs [CTS] » avait été lancée en janvier. Elle est d’une actualité brûlante depuis la demande faite par Matignon de supprimer 1 600 postes d’ici à 2022 en ciblant les CTS. Dévoilée par la presse en septembre, cette requête avait suscité une levée de boucliers dans le sport français, et Roxana Maracineanu, fraîchement nommée, avait corrigé le tir en affirmant que tout ou partie des 1 574 CTS changeraient de statut pour passer sous celui des fédérations.

Depuis, le flou le plus total règne sur l’avenir de ces agents du ministère détachés dans les fédérations sportives. Lors de ses vœux pour 2019, la ministre des sports a affirmé que la question n’était pas tranchée. Une incertitude compréhensible, compte tenu de ce rapport qui préconise un relatif statu quo au moins jusqu’en 2024.

Lire aussi Martin Fourcade : « Nos fédérations font déjà les fonds de tiroir pour fonctionner »

« L’efficience du dispositif ne peut être contestée »

La mission « constate (…) que l’efficience du dispositif ne peut être contestée, au regard du caractère central de l’intervention des CTS », peut-on lire dans le rapport. Les inspecteurs soulignent « l’investissement professionnel fort et atypique de ces agents », mais estiment que leurs activités sont trop hétérogènes et que leurs effectifs « devraient être rationalisés, leur répartition objectivée, leur pilotage et la gestion de leurs parcours professionnels améliorés ».

La mission ne fait pas de lien statistique direct entre le nombre de CTS par fédération et leur nombre de médailles ni avec leur nombre de licenciés. Elle estime cependant que leur impact est « fondamental » sur le sport de haut niveau en France. « Ils constituent la cheville ouvrière du sport de haut niveau et du développement des pratiques sportives, en particulier pour le développement des nouvelles disciplines et pour l’accès à la pratique sportive des publics les plus éloignés », écrivent les inspecteurs.

Lire aussi : « Moins d’encadrement ce serait moins de licenciés et des arrêts d’activités »

Et leurs prédictions sont alarmistes dans l’éventualité où le gouvernement s’aventurerait à modifier substantiellement le statut et les missions des CTS.

« Dans le contexte de la préparation des équipes de France aux JOP [Jeux olympiques et paralympiques] de Tokyo 2020 et de Paris 2024, la mission recommande en conséquence d’écarter tout scénario de rupture, compte tenu des responsabilités essentielles que les CTS jouent dans le pilotage et la mise en œuvre des projets de performance fédérale, pour l’ensemble des fonctions de référence. (…) L’application d’un scénario de rupture aurait, sans aucun doute, des conséquences majeures pour celles-ci. »

Et le rapport de poursuivre : « Elles pourraient notamment se traduire par une désorganisation totale du dispositif actuel de performance sportive français, avec la fermeture de structures, la disparition des ressources d’encadrement et d’entraînement des équipes de France et des sportifs de haut niveau et la dégradation complète des dispositifs de détection et d’optimisation des performances. La modification du mode de gestion des CTS, quant à elle (…) constituerait toutefois une prise de risque disproportionnée par rapport aux enjeux sportifs des deux rendez-vous olympiques à venir. »

Le transfert aux fédérations impossible ou trop coûteux

Concernant le transfert des CTS aux fédérations, et donc leur changement de statut, les inspecteurs jugent qu’il n’est pas a priori envisageable d’un point de vue constitutionnel. Le simple détachement de ces fonctionnaires sur des contrats de droit privé, pourvu qu’ils en soient d’accord, est « la seule solution envisageable » mais « présente des difficultés juridiques, (…) serait coûteuse pour l’Etat et présenterait de réelles contraintes de gestion ».

En revanche, des modifications seraient envisageables au-delà de 2024 compte tenu des départs à la retraite progressifs des CTS (27 % dans les dix prochaines années, auxquels il faut ajouter les sorties volontaires du dispositif) et de la création de l’Agence nationale du sport, qui va modifier le fonctionnement du sport français.

« Le rapport ne nous surprend pas et nous conforte dans notre analyse du rôle des CTS, dit-on au ministère des sports. La décision sur leur statut ne repose pas uniquement sur ce rapport, c’est un élément parmi d’autres. »

Le ministère ne se donne pas de date butoir pour définir la future organisation des CTS, précisant que « les discussions se poursuivent entre les différents ministères concernés ».

De son côté, l’Association des directeurs techniques nationaux s’est réjouie du contenu du rapport dans un communiqué publié jeudi mais s’inquiète de « la suppression brutale des recrutements, avec la disparition du concours de professeur de sport 2019 », ainsi que de « la demande de suppression immédiate de 41 postes de CTS ».

Clément Guillou

 

 

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